Achalandage et impact projeté d’un 3e lien (3/6)
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Achalandage et impact projeté d’un 3e lien (3/6)

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La congestion, un véritable problème!

Pour sa relative petite population, comparativement à bien d’autres villes dans le monde, Québec a un trafic routier important. Comme présenté dans les dernières publications de cette série, la région de la Capitale-Nationale a historiquement toujours misé sur l’expansion de son réseau routier pour contrer les problèmes de congestion, en commençant par la multiplication des autoroutes dans les couronnes nord et ouest. Il est facile de constater la quantité d’autoroutes lorsqu’on se déplace sur l’autoroute Charest. Le résultat est flagrant, et surtout inefficace. 

La proximité des autoroutes de la ville de Québec © Frédéric Paquet

Départ du secteur Legendre (IKEA) vers le centre-ville, la première autoroute croisée est Duplessis, ensuite la sortie de l’avenue Blaise-Pascal, pour ensuite croiser une deuxième autoroute, soit Henri-IV. Deux autoroutes en moins de 2 km. En continuant vers le centre-ville, de même qu’il est possible de prendre la sortie pour le parc industriel Colbert, une autre autoroute est croisée. Cette fois-ci, c’est Robert-Bourrassa (autrefois du Vallon). Encore une fois, en seulement 2km, une autre autoroute entrecoupe l’autoroute Charest.

Étrangement (ou pas), la multiplication des autoroutes sur une distance de 4 km fait en sorte que le secteur est souvent congestionné, même si ce n’est pas une destination en soit, simplement parce les distances entre celles-ci ne permettent pas aux automobilistes et camions d’avoir le temps d’emprunter le bon chemin adéquatement. Ils doivent s’entrecouper pour accéder à leur sortie. Le pire dans tout ça, c’est que tout vient d’être remis à neuf, donc il ne faut pas espérer de miracle dans ces secteurs.

Si on fait une petite conclusion, la ville a déjà l’un des réseaux routiers les plus étendus et dense à la fois, mais comporte quand même un taux de congestion plus élevé que des villes ayant la même population. Peut-être (assurément) que la solution ne réside pas dans l’expansion de son réseau autoroutier, mais dans la consolidation de son réseau de transport en commun…

Ce qui se passe à Lévis n’est pas étranger à ce qui se passe à Québec. Le réseau est saturé, donc la population et ses représentants municipaux, provinciaux et fédéraux militent pour l’ajout de voies supplémentaires sur l’autoroute 20 et l’ajout d’un nouveau lien vers la rive-nord. Comme quoi ce qui se passe à Québec, ou peu importe où dans le monde, n’est pas d’actualité pour Lévis. Je vous expliquerai dans le quatrième texte le concept de trafic induit.

L’achalandage de la région

Pour mieux comprendre les réalités de la congestion routière, tout commence par l’achalandage du réseau, des échangeurs, des tronçons. Comment les gens se déplacent, d’où ils partent, où ils vont et quand ils le font. En gros, tu vas où, à quelle heure et pourquoi?

C’est d’ailleurs ce que la Ville de Québec a tenté de savoir sous l’administration Labeaume afin de mieux planifier l’aménagement de son territoire lorsque l’idée d’un 3e lien a refait surface. L’enquête origine-destination de la région de Québec, qui s’est déroulée du 6 septembre au 12 décembre 2017 est celle sur laquelle je me base pour mes observations. Elle est également la 9e effectuée pour la région et elle a été réalisée par un partenariat regroupant le ministère des Transports, le Réseau de transport de la Capitale (RTC), la Société de transport de Lévis (STL), la Ville de Québec, la Ville de Lévis et la Communauté métropolitaine de Québec. Évidemment, cette étude est très sérieuse et les données servent à orienter l’aménagement du territoire de la région.

Première donnée d’entrée de jeu, entre 2006 et 2015, le réseau de la région a vu l’ajout de 100 000 véhicules de promenade, soit une augmentation de 21.7%. C’est plus que l’augmentation de la population de la région. À ce rythme, le nombre de véhicules croît plus vite que le nombre de personnes sur notre territoire.

Deuxième donnée importante, durant la période de pointe du matin à Lévis, soit entre 6h et 9h, 60 000 automobilistes prennent la route. De ce nombre, environ 18 000 automobilistes (30%) se dirigent vers la rive-nord, tandis qu’environ 32 000 automobilistes (54%) se déplace à même le territoire lévisien. Les 10 000 automobilistes restants se dirigent à l’extérieur du territoire lévisien, mais toujours sur la rive-sud. À tout ça, on ajoute 2 500 automobilistes qui proviennent de la couronne sud (hors Lévis) qui se dirigent sur la rive-nord et 3 300 automobilistes qui se dirigent dans le secteur lévisien.

Beaucoup de chiffres qui ne semblent pas vouloir dire grand-chose, mais on arrive à la partie plus intéressante. Parmi les 18 000 automobilistes qui se dirigent vers la rive-nord, 76% (13 700 automobilistes) proviennent des arrondissements Chaudière (à l’ouest de la rivière Etchemin) et 24% (4 400 automobilistes qui proviennent de l’arrondissement Desjardins (à l’est de la rivière Etchemin). Il est facile de constater que la majorité du flux automobile provient de l’ouest de Lévis (Arrondissement Chaudière). Ceci devrait déjà aider la réflexion sur les besoins en termes de déplacement et de positionnement de nouvelles infrastructures.

Cela étant dit, où va tout ce beau monde maintenant? En fait, 47% des automobilistes (13 700) provenant du secteur ouest de Lévis se dirigent vers l’arrondissement Sainte-Foy – Sillery – Cap-Rouge, 21% pour l’arrondissement Les Rivières (Lebourgneuf) et 24% pour l’arrondissement de la Cité-Limoilou (haute-ville, basse-ville et Limoilou). Le 8% restant se dirige vers les autres arrondissements. On peut encore constater que les habitants du secteur Ouest de Lévis se déplacent principalement dans l’ouest et le centre de Québec.

Parmi les 4 400 automobilistes qui habitent le secteur est de Lévis, 39% se dirigent vers Sainte-Foy – Sillery – Cap-Rouge, 14% vers Les Rivières et 35% vers la Cité-Limoilou.

Je poursuis avec mes chiffres, mais ça en vaut le détour. Cette fois-ci, nous sommes situés du côté de Québec, ce qui regroupe 194 300 automobilistes à l’heure de pointe du matin (6h-9h). De ce nombre, seulement 4% ou 7 100 automobilistes se dirigent vers Lévis, tandis que 91% ou 177 200 automobilistes se déplacent à même le réseau de la Ville de Québec.

En résumé à chaque matin, 18 100 automobilistes se déplacent vers Québec, dont plus du ¾ proviennent de l’ouest de Lévis et se dirigent majoritairement vers l’ouest de Québec. À Québec, 7 100 automobilistes se dirigent vers Lévis, peu importe la destination. Le reste des déplacements s’effectuent Intra-Québec et Intra-Lévis.

Que ces données aient une connotation positive, négative ou neutre, elles représentent un fait et sont les fondations des analyses pour le futur de la mobilité. À cet achalandage, il faut aussi ajouter les trafics de marchandises, les touristes et tout autre type de transport. Par ailleurs, la pandémie a également fait changer certaines habitudes, mais les dernières études ont démontré qu’on s’est rapidement retrouvé au même point qu’avant la pandémie.

Les constats du ministère des Transports à l’origine du 3e lien

En approfondissant mes recherches, j’ai consulté l’un des seuls documents d’étude du ministère des Transports sur le 3e lien, soit un valeureux document de 11 pages. Ce document, ressemblant plus à un PowerPoint, ne cite aucune source d’étude ou rapport.

Les prévisions d’augmentation de l’achalandage se basent sur une population grandissante qui restera active. Pourtant, les prévisions démographiques de l’Institut de la statistique du Québec ont récemment démontré que les déplacements interrives devraient diminuer, car la population active de Lévis, soit les résidents âgés entre 20 et 64 ans, diminuera de 600 (oui oui, 600!) personnes d’ici à 2041, contrairement à la tranche d’âge de 65 ans et plus qui augmentera de 20 200 personnes. On peut ici faire un lien avec la quantité phénoménale de résidences pour personnes âgées qui se construisent sur son territoire présentement.

Les constats du ministère des Transports sont également à l’effet que le transport en commun actuel ne favorise pas le transfert modal (multimodalité, un concept qui sera abordé dans un prochain texte) et que la part modale de l’auto pour les déplacements interrives ne cesse d’augmenter. Tout à fait d’accord avec ce point, mais rien n’est proposé pour améliorer l’efficacité du transport en commun dans les plans du 3e lien. Au moins, la première mouture proposait des voies dédiées en tout temps aux autobus, mais la 2e mouture les a retirées pour les remplacer par des voies réservées standards, soit le matin dans un sens et le soir dans l’autre. Et celles-ci seraient également partagées avec les véhicules électriques, taxis et covoiturage…

Pour que le 3e lien soit véritablement bénéfique pour le transport collectif, il faut qu’il soit efficace. Présentement, le lien autoroutier n’est pas facile d’accès pour les usagers. Personne ne peut attendre un autobus sur le bord de l’autoroute. En fait, personne n’habite directement sur le bord d’une autoroute. Un réseau structurant de transport en commun est normalement situé dans des quartiers denses pour desservir une grande quantité de personnes.

Exemple de déplacement interrives © Frédéric Paquet

Si un résident de Lévis désire utiliser ce système de transport, il devra parcourir une dizaine de kilomètres de plus seulement pour traverser le fleuve. Je m’explique et prenons l’exemple d’une personne qui habite dans le secteur du centre-ville de Lévis (rue Champagnat entre l’Hôtel-Dieu de Lévis et le Campus Desjardins). Elle doit prendre l’autobus, effectuer un long détour de plusieurs kilomètres pour accéder à l’autoroute 20 qui sera congestionnée, pour accéder au tunnel long de plus de 8 kilomètres sur une voie partagée, pour atteindre le secteur du centre Vidéotron, pour ensuite rebrousser chemin pour refaire plusieurs kilomètres pour atteindre le centre-ville de Québec.

Ce parcours, long de 20 kilomètres pour traverser un fleuve de 1 kilomètre de large semble tout aussi inefficace que discutable. Le tunnel n’offre rien de bénéfique en termes de transport collectif. Cette même personne aurait plutôt avantage à prendre le système en place de la traverse Lévis-Québec ou encore le concept d’un téléphérique entre les deux villes, tel que j’avais présenté lors d’une dernière publication (Un téléphérique Québec-Lévis, pourquoi pas?).

Dernier constat du ministère des Transports, et celui le plus absurde que j’ai lu dans toutes mes recherches, le coefficient de pont par million de personnes. Ce coefficient se veut une comparaison du nombre de ponts des autres régions du Québec et du Canada avec la Ville de Québec, et ce, sans se soucier des caractéristiques géographiques de la ville. Par exemple, Montréal est une île tandis que Québec est séparée par un fleuve dans une vallée. Et la plupart des ponts reliant Gatineau et Ottawa mesurent 150 mètres. Bref, un rapport qui ne dit pas grand-chose.

La capacité du réseau actuel

La congestion du réseau actuel de la grande région de Québec n’est pas causée par le manque d’autoroutes, car tel que démontré, nous figurons déjà avec parmi les villes avec le plus grand nombre d’autoroutes par habitant. La congestion est principalement causée par l’augmentation des véhicules sur notre réseau. Pourquoi avons-nous autant de véhicules me direz-vous? Je vous répondrai que c’est parce qu’il n’y a pas vraiment d’alternatives efficaces pour se déplacer dans la ville.

Présentement, outre le secteur des ponts, le secteur le plus congestionné est l’autoroute de la Capitale et principalement son échangeur avec l’autoroute Laurentienne. De façon sensée, on devrait éviter d’ajouter un afflux supplémentaire de véhicules dans ce secteur, car il aurait pour effet d’aggraver la situation. Malheureusement, c’est tout le contraire avec la proposition du gouvernement pour le 3e lien. Le projet déboucherait à 1 kilomètre de cet échangeur, déversant ainsi une quantité importante de véhicules supplémentaires directement dans le secteur le plus achalandé de la capitale. Il est aussi a noter que cet échangeur vient également d’être refait à neuf. Selon les derniers chiffres publiés en 2015, l’échangeur serait emprunté par 210 000 véhicules par jour, soit 50 000 de plus qu’à la tête des ponts.

L’autre option serait de déverser tout ce trafic additionnel sur l’autoroute Dufferin-Montmorency, sauf que cette « autoroute » dans sa portion au sud de l’autoroute de la Capitale comporte des feux de circulation qui a d’ailleurs mené à plusieurs accidents fatals, dont une tragédie qui a tué 4 personnes en 2021. Ce tronçon est appelé à devenir la phase IV de la promenade Samuel de Champlain et en faire un boulevard urbain pour redonner l’accès au fleuve aux citoyens.

Il y a donc plusieurs défis en vue afin de ne pas embouteiller davantage le réseau existant ni à diminuer la sécurité des usagers. L’amélioration réelle de la mobilité en général dans la région fait partie de la solution.

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Écrit par
Frédéric Paquet

Frédéric Paquet

Architecte de profession et résident du quartier Saint-Sauveur, en basse-ville de Québec, je suis passionné d’aménagement du territoire et grande intéressé par la densification et la transition écologique, ainsi que leurs enjeux sur les villes québécoises.

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