Proposition pour un plan de mobilité durable dans la grande région de Québec

Proposition pour un plan de mobilité durable dans la grande région de Québec

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Cette semaine, je vous présente une proposition d’un réseau de transport dans la Capitale-Nationale qui inclut la ville de Lévis. Un projet améliorant la mobilité globale de la région et surtout, de façon durable.

Une mise en contexte s’impose 

Pour faire une histoire courte de la mobilité, la ville de Québec est principalement desservie par un réseau d’autoroutes élaborées dans les années 1960 provenant du rapport Vandry et Jobin. Certains morceaux de cette vision se sont concrétisés, comme l’autoroute Dufferin-Montmorency et l’autoroute Champlain, désormais en boulevard urbain, et d’autres ont été abandonnés tels que le prolongement de l’autoroute de la Capitale vers l’aéroport, le prolongement de l’autoroute Dufferin-Montmorency sous la colline parlementaire et l’autoroute de la Falaise qui aurait emprunté la côte d’Abraham.

La vision du rapport Vandry-Jobin

Pour bien comprendre la complexité de la région, il faut inévitablement adresser la question topographique de Québec. La vallée du Saint-Laurent oppose deux hautes et longues falaises le long du fleuve. D’ailleurs, le fleuve est très profond avec une profondeur moyenne de 50m entre Québec et Lévis. Il y a également la Faille Logan qui s’y trouve. Une grande différence de hauteur se trouve entre les abords de la rivière Saint-Charles et le plateau de la colline reliant le Vieux-Québec à la Pointe de Sainte-Foy. Finalement, la chaîne de montagnes des Laurentides vient refermer le territoire plus au nord.

Cette topographie particulière et les visions d’un plan des années 60 ont façonné la mobilité de la région et par le fait même le développement du territoire. Dans les premières années de l’administration Labeaume, une réflexion avait été amorcée sur l’avenir de la mobilité dans la région et c’est le projet du tramway qui en ressortira comme la vision à adopter (je vous évite ici la décennie de conflits sur ce sujet, mais si c’est quelque chose qui vous intéresse, je vous suggère la lecture d’un livre à ce sujet : Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec).

Les objectifs de l’administration Marchand 

Pour en revenir à ma proposition, je vous ramène en 2022, avec la première phase du tramway (ligne orange) dont les travaux préparatoires sont présentement en cours. La ville de Québec changera la mobilité au sein de sa ville et encadrera le développement, donc sa densification à ses pourtours, c’est-à-dire dans un rayon de plus ou moins 1km de la ligne de tramway.

L’administration Marchand a mentionné lors des élections et pendant son mandat, qu’une réflexion serait amorcée pour les prochaines phases du réseau. Les objectifs sont de relier Charlesbourg, Lebourgneuf, l’aéroport Jean-Lesage et la Gare du Palais, pour l’éventuelle connexion avec le TGF (train à grande fréquence) annoncée par le gouvernement fédéral dans le corridor Windsor-Québec. En reliant les principaux secteurs de la ville, avec une offre variée de mobilité, il y aura un véritable éventail de choix de mobilité dans la région.

Le cas de Québec 

« Québec est une ville polycentrique, ce qui veut dire qu’elle n’est pas seulement constituée d’un seul centre-ville avec ses périphéries, mais d’un centre historique avec plusieurs sous-centres tels que Sainte-Foy, Lebourgneuf, Charlesbourg et Lévis. »

François Dufaux, architecte et professeur à l’École d’architecture de l’Université Laval

Afin d’élaborer ma proposition, j’ai tout d’abord analysé l’occupation du territoire de la ville de Québec. Contrairement aux grandes villes comme Chicago ou Paris, où les villes s’étendent de façon radioconcentrique, Québec s’étend en établissant des sous-centres en fonction de secteurs spécialisés, mais surtout en réponse à sa topographie atypique et son réseau autoroutier, tel que mentionné précédemment.

Lors de ma publication initiale en janvier 2022, j’avais étayé une fourchette de prix pour comparer ce projet par rapport à la construction du 3e lien autoroutier et l’élargissement des autoroutes pour les voies réservées aux autobus. J’ai décidé de laisser cette analyse comparative à titre indicatif, car elle permet de comparer les projets, mais je veux quand même souligner que l’inflation actuelle fait en sorte que les prix ne seront pas les mêmes et que je ne suis pas un expert en coûts de construction de ce type d’ouvrage. Les comparatifs sont basés sur les coûts par kilomètre tirés de projets présentement en construction au Québec (REM et SRB Pie-IX).

Ma proposition

Voici donc les grandes lignes de ce réseau régional. Dans cette publication, je me concentrerai principalement sur le réseau dans son ensemble, mais dans les prochaines semaines, je décortiquerai chacune des lignes dans des publications distinctes, car il y a tellement à dire sur chacune d’entre elles.

Ligne 1 – Tracé du tramway actuel (orange)
La ligne orange

La première phase du tramway (ligne orange), dont la construction est déjà en cours, reliera à terme d’Estimauville, aux limites de l’arrondissement de la Cité-Limoilou, au secteur Legendre dans l’arrondissement Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge, en traversant en ordre, Limoilou, Saint-Roch, Saint-Jean-Baptiste, la Colline parlementaire, Montcalm, Saint-Sacrement, la Cité-Universitaire, le boulevard Laurier, la route de l’Église, le boulevard des Quatre-Bourgeois et le boulevard Pie-XII (4 milliards pour 19,4km = 200 millions $ du kilomètre).

Afin d’être en concordance avec les objectifs de l’administration Marchand, une prolongation de cette ligne vers l’aéroport Jean-Lesage permettrait de relier le secteur des cinémas, l’Ancienne-Lorette et l’aéroport jusqu’à l’axe principal de mobilité (ligne orange). Non seulement cette extension permettrait aux citoyens de la Ville d’accéder à l’aéroport, mais également aux touristes d’accéder à notre réseau.

(Extension jusqu’à l’Aéroport Jean-Lesage : 5km à 200 millions $ du km : 1G$)

Ligne 2 – Lévis-Lebourgneuf (jaune)
La ligne jaune

La deuxième phase, bien qu’il n’y ait pas vraiment d’ordre d’importance prioritaire, aurait pour but de venir remplacer le troisième lien et faciliter les traversées entre les deux rives, dans l’est de la Ville. Cette phase permettrait aussi de relier le secteur de Lebourgneuf avec le centre-ville. Ce tracé serait également desservi par un tramway qui passerait sous le fleuve à partir du quartier Petit-Champlain et serait en partie souterrain pour une portion de sa section Lévisienne, étant donné le dénivelé important entre la gare fluviale et le secteur du Vieux-Lévis. Ce tracé est encore une fois en concordance avec les objectifs de l’administration Marchand (relier Lebourgneuf et la Gare du Palais) mais aussi avec la volonté du gouvernement Legault d’avoir une interconnexion avec le centre-ville de Lévis.

Dans sa portion sud-est, la deuxième phase relierait le Centre des Congrès de Lévis, le pôle Desjardins, le Vieux-Lévis au secteur touristique du Petit-Champlain, du Vieux-Port et de la Gare du Palais jusqu’au pôle Saint-Roch, qui sera l’un des pôles multimodaux d’importance du réseau. Ce pôle permettrait l’interconnexion avec la première phase (ligne orange) avec Lévis et avec la Gare du Palais.

Dans sa portion nord-ouest, la ligne jaune poursuivrait son tracé vers le pôle ExpoCité-Place Fleur de Lys et Vanier en empruntant le boulevard Wilfrid-Hamel et le boulevard Pierre-Bertrand pour finalement rejoindre le boulevard Lebourgneuf afin de desservir les nombreux emplois et le pôle des Galeries de la Capitale. Son tracé se termine en empruntant le boulevard Robert-Bourrassa pour se terminer au terminus Chauveau, secteur central de Neufchâtels-Est – Lebourgneuf.

(Portion Lévis : 3km à 200 millions $ du km : 600 millions $)

(Tunnel Québec-Lévis : 1km; je n’ai pas les compétences requises pour évaluer, alors disons 1,5G$)

(Portion Québec : 14km à 200 millions $ du km : 2,8G$)

Ligne 3 – Holland-Charlesbourg (bleue)
La ligne bleue

La troisième phase du réseau permettrait de relier Charlesbourg au pôle Belvédère. Dans la première mouture du tramway, le tracé empruntait déjà la 1er Avenue à Limoilou jusqu’au Trait-Carré à Charlesbourg. Devant les demandes du gouvernement Legault, le tracé a été modifié pour se rendre à d’Estimauville. Cette ligne utiliserait encore la technologie du tramway.

Le tracé de la portion nord de cette 3e phase serait donc la même que présentée dans le passé par le Bureau de projet du Tramway. Cependant, elle bifurquerait par le Centre Vidéotron pour rejoindre le pôle d’échange de Place-Fleur de Lys pour une interconnexion avec la ligne bleue et la ligne orange au pôle d’échange de Saint-Roch.

La portion sud de la ligne bleue prendrait la rue de la Couronne et se dirigerait ensuite à l’ouest sur le boulevard Charest pour traverser le quartier Saint-Sauveur et le parc industriel Saint-Malo, pour ensuite prendre la côte Saint-Sacrement (une étude de faisabilité plus poussée serait à faire pour ce dénivelé, sinon il y a la possibilité de passer par la côte de la Pente-douce). Une fois arrivée dans le quartier Saint-Sacrement, la ligne bleue viendrait se terminer au pôle Hollande pour une 2e interconnexion avec la première phase (ligne orange).

(11km à 200 millions $ du km : 2,2G$)

Ligne 4 – Ligne Saint-Étienne-Lebourgneuf (vert)
La ligne verte

Pour la quatrième phase du réseau, la ligne verte viendrait relier l’ouest de la rive-sud au pôle d’échange des Galeries de la Capitale. Différente des 3 phases précédentes, celle-ci utiliserait la technologie du train léger sur rail, tel que le REM à Montréal. Étant plus proche du train de banlieue, cette technologie sera parfaite pour utiliser les emprises du CN existante sur la rive-sud et le centre de l’autoroute Robert-Bourrassa sur la rive-nord.

La portion sud de la ligne verte commencerait dans le parc-o-bus dans l’arrondissement de Saint-Étienne et prendrait par la suite l’emprise du CN qui longe l’autoroute 20 en direction est pour avoir des stations à Saint-Rédempteur, Charny et Saint-Romuald pour ensuite prendre le pont de Québec et venir se connecter à la phase 1 du tramway au pôle d’échange de Sainte-Foy, la station d’échange principale avec la rive-sud.

Pour la portion nord, la ligne verte emprunterait les mêmes voies que le tramway pour ensuite s’implanter au centre de l’autoroute Robert-Bourrassa, celle présentement utilisée pour les autobus, pour connecter le PEPS, le Cégep Sainte-Foy, le secteur Versant-Nord, les parcs industriels, les quartiers Duberger et les Saules pour ensuite se connecter au pôle d’échange des Galeries de la Capitale.

(REM 7G$ pour 67km = 100 millions $ du km)

(22km à 100 millions $ du km = 2,2G$)

Ligne 5 – Lévis (rouge) :
La ligne rouge

Finalement la 5e et dernière phase de ce réseau serait entièrement située dans la ville de Lévis, la traversant d’est en ouest. Le ministère des Transports et la Ville de Lévis ont déjà débuté une grande réflexion sur la mobilité au sein de leur territoire et certaines portions du boulevard Guillaume-Couture ont déjà été identifiées pour recevoir des voies réservées pour autobus.

L’idée est de faire de cet axe un réseau de service rapide par bus (SRB), tel que le SRB de Pie-IX reliant Laval et Montréal. Moins coûteux et parfait pour des secteurs moins denses, cette technologie permettrait de servir adéquatement les secteurs de Lévis entre les deux lignes (verte et jaune) qui se connectent au réseau de la rive-nord. Elle permettrait également d’encadrer la densification des différents secteurs de Lévis autour d’un réseau capable de prendre une portion des déplacements à l’intérieur même de la ville de Lévis

La portion ouest commencerait au terminus Plante près de l’autoroute 20 sur la Route des Rivières. Son tracé emprunterait cette route pour cheminer vers la route Marie-Victorin et se connecter à la ligne verte à Saint-Romuald. Par la suite, le SRB poursuivrait son tracé sur le boulevard Guillaume-Couture, traversant le secteur du Chemin du Sault, de Saint-Romuald, de l’embouchure de la rivière Etchemin, du secteur Saint-David, du secteur Saint-Rodrigue et finalement le centre-ville de Lévis et le pôle d’échange Desjardins, avec sa connexion avec la ligne jaune. Finalement, la ligne rouge continuerait vers le secteur Lauzon en connectant le secteur Saint-Omer, le Cégep de Lévis en se terminant dans le secteur industriel de la route Lallemand.

(SRB Pie-IX : 650 millions $ pour 13 km = 50 millions $ du km)

(20 km à 50 millions $ km = 1G$)

Un réseau pour desservir la grande région de Québec
Le réseau dans son ensemble

Voici donc un réseau de mobilité de la grande région de Québec, adressant les enjeux de la région, soit les connexions avec la rive-sud, avec l’aéroport Jean-Lesage, avec la gare du Palais, et les sous-centres tels que Lebourgneuf et Charlesbourg. Évidemment, beaucoup de travail et de recherche restent à effectuer sur cette grande toile d’offres en mobilité, mais je crois qu’elle permet de débuter une réelle conversation sur les possibilités des prochaines phases de transport en commun dans notre région et surtout avec une approche durable et différente du tout à l’auto.

Lorsqu’on compare rapidement et arbitrairement les coûts, un réseau comme celui-ci se rapproche des coûts engendrés seulement par un 3e lien autoroutier. Tel que mentionné précédemment, je ne suis pas un expert des coûts et l’inflation actuelle changera beaucoup les coûts des grands travaux, au même titre que celui du 3e lien. Je crois qu’il est important d’avoir une vision plus globale de la mobilité dans la région et de se projeter 20-30 ans dans l’avenir.

***Cette publication avait été originalement publiée sur mon compte personnel Facebook en janvier 2022, en réponse au projet du 3e lien et du réseau express de la Capitale du ministère des Transports. Ma proposition se voulait une alternative durable à la mobilité dans la grande région de Québec. ***

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Écrit par
Frédéric Paquet
4 commentaires
  • Ta proposition se positionne partout dans la Ville de Québec, c’est très intéressant comme proposition. Le plus gros problème par rapport à ta proposition, c’est qu’elle n’a pas de comparable de la part des gouvernements. Du moins moi, je n’ai jamais entendu parlé de leur part qu’il existe des plans sur un horizon de temps et un vision plus long terme que ce qu’on connait, soit les projets qu’on veut construire demain, ou même hier.

    Beau travail!

  • Je vais plus loin et j’ajoute 2 trains légers /de banlieue.

    Ligne 6 Mauve – Côte-de-beaupré.
    Pôle D’Estimauville – Parc industriel Beaupré.

    Train léger avec emprise sur le rail déjà existant de GCR (train de charlevoix) et CN (chutes à d’estimauville).
    Stations
    – d’Estimauville -Maizerets (connection ligne orange)
    – Sauriol (en arrière du Mcdo)
    – Chutes montmorency
    – Boischatel (cote de l’église)
    – l’Ange-Gardien (Ultramar rue casgrain)
    – Petit-Pré (camping turmel)
    – Chateau-Richer (Rue Dick)
    – St-Anne-de-Beaupré (basilique)
    – Parc industriel Beaupré (avec une navette pour le Mont St-Anne)

    Ligne 7 Turquoise – Portneuf.
    Hamel – Portneuf

    Train léger avec emprise sur le rail déjà existant du CN.

    Stations :

    – Hamel (connection ligne orange aéroport)
    – Jean-Gauvin
    – Parc Industriel St-Aug
    – Neuville (Rue des Érables)
    – Donnaconna (Boul. St-Laurent)
    – Portneuf (Resto-gare)

    • Effectivement ! Dans quelques semaines, je voulais justement intégrer une train de banlieue pour la Côte de Beaupré ! J’aime également l’idée du train de banlieue pour Portneuf. Je le garde en tête !

  • C’est super bien comme élément de discussion pour motiver nos politiciens. Avoir un tramway reliant Lévis à Québec serait tellement mieux qu’un autre lien pour ajouter des chars au centre ville. J’aime bien la vue d’ensemble reliant tous les secteurs.

    Je comprend que ces évaluations budgétaire sont seulement indicatives et très informelles, par contre l’utilisation du coût de la première phase pour les suivante est probablement démesuré. La première phase est dans un milieu urbain dense et compliqué incluant un tunnel vers la haute ville. Je suis certain que continuer la ligne vers l’aéroport aurait des coûts très inférieurs à 200 millions du km.

Frédéric Paquet

Architecte de profession et résident du quartier Saint-Sauveur, en basse-ville de Québec, je suis passionné d’aménagement du territoire et grande intéressé par la densification et la transition écologique, ainsi que leurs enjeux sur les villes québécoises.

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